Fugitif ! – Place Raimu


19 juillet 1873.

Le port et la « basse ville » de Toulon sont en ébullition. Un bagnard s’est échappé !

Journalistes venu·es des quatre coins de la France, vous êtes ici pour assister aux derniers jours du Bagne. Voué à la fermeture, il verra ses derniers condamnés déportés à Cayenne, en Guyane.

Partez sur les traces de François FOUACHE, le fugitif, et découvrez son passé !

La place Raimu n’existait pas en 1873. La place Gambetta se trouvait non loin.

Le calme du plan d’eau qui préfigure la mer tranche avec l’agitation des joueurs de cartes qui s’affrontent autour d’une lourde table.

Les échanges semblent animés :

« Eh bien quoi ? C’est à toi !
_ Je le sais bien. Mais j’hésite…
– Allons, nous vous attendons !
– C’est que la chose est importante !
– C’est ce coup-ci que la partie se gagne ou se perd. »

Vos regards insistants finissent par déranger les joueurs, qui s’interrompent.

« Eh bien quoi ? Ils veulent quoi, les estrangers ?

_ Enfin, ne va pas leur parler comme ça ! Ils sont pas d’ici, mais c’est pas leur faute !

_ Ils souhaitent peut-être que nous leur apprenions à jouer.

_ Vu leur museau de fouine, je pense qu’ils veulent surtout nous poser des questions. Et à mon avis, des questions sur l’évasion !

_ Ah ça, l’évasion, moi je lui dis « chapeau », au François, parce que c’est pas tous les jours qu’on fausse compagnie à la garde-chiourme !

_ En parlant de « chapeau », il l’avait encore, son bonnet rouge ?

_ Pardi qu’il l’avait plus ! Il est pas bête l’animal !

_ Il avait même pris la peine de trouver de nouvelles frusques. N’eût été son regard hagard, il pouvait presque passer inaperçu !

_ Mais nous, on n’a pas pu le louper quand il est passé tout à l’heure.

_ Faut dire que la porte de chez LAFITTE, elle grince toujours autant. Elle grince tellement qu’on a failli pas entendre la sonnerie de la demie.

_ La demie de deux heures, bien sûr.

_ En tout cas il était reparti aussi vite qu’il était venu, le François. Pas de LAFITTE barbu dans la place. Il est remonté plein Nord.

_ Il aurait pu s’arrêter taper le carton avec nous.

_ C’est vrai qu’il joue bien, le petit. Et sans tricher, lui. Pas comme LASSERRE.

_ Me parle pas de lui. Plus jamais je joue avec lui. Cette homme, il a pas de cœur.

_ Ah ! Ah ! Il ose, l’autre ! Il ose ! Voilà qu’on joue à la parlante, maintenant ! »

Et les quatre de se remettre à s’invectiver.

D’une petite porte voûtée, au nord-est, un petit homme replet vous fait signe, discrètement.

Sa boutique embaume les plantes et les fleurs en tous genres, qui s’alignent dans des pots en verre ou en céramique sur les étagères qui garnissent les murs.

« Pardonnez-moi de vous importunez, mesdames, messieurs. Je me prénomme Octave. Octave CASAUX. Je tiens boutique ici depuis plusieurs années et j’ai bien malgré moi entendu votre conversation avec mes sympathiques voisins joueurs de cartes.

Ils ont évoqué M. LAFITTE. Je lui loue le petit appartement situé au-dessus de mon échoppe. Ce n’est pas très grand, mais il n’est pas très grand non plus. »

M. CASAUX pouffe en pressant sa main contre sa bouche. Ses joues se gonflent un peu et virent au rouge. Il prend une grande inspiration avant de se reprendre.

« En tout cas, il apporte un grand soin à son logement et j’en suis ravi.

M. LAFITTE a fréquenté M. FOUACHE pendant quelques mois. Ils se sont je crois rencontrés durant l’été 1870. M. FOUACHE cherchait à soigner une peine de cœur et a trouvé de la compagnie en mon locataire. Ils se sont tout de suite bien entendus et M. FOUACHE s’est mis à jouer aux cartes. Peut-être un peu trop, parfois, mais je ne suis pas là pour juger. »

M. CASAUX baisse la voix, regarde autour de lui, de vous, et incline légèrement la tête en avant.

« Le lendemain du cambriolage, le samedi 11 mars 1871, je suis allé voir la Police. Je leur ai raconté que la veille, vers 19h, M. FOUACHE était passé par mon officine. Il avait mal à la tête, semblait avoir un début de fièvre et je me suis dit que sans casquette il allait attraper froid. Je lui ai donné un paquet d’herbes pour une infusion à prendre au plus vite et je l’ai vu partir place Gustave Lambert. Je pensais qu’il rentrait chez lui… »

L’herboriste se racle un peu la gorge avant de reprendre.

« Il me semblait bien mal en point, vous savez… »

« Il vivait seul avec sa mère Augustine. Une brave femme qui a toujours tout fait pour lui. Ils vivaient modestement, tous les deux, mais tout de même… Pourquoi en serait-il arrivé à une telle extrémité ? »

Le petit homme vous propose un infusion de thym avant de vous laisser repartir. « Vous verrez, c’est salutaire pour l’estomac. »

Retrouvez ici le plan indiquant les différents lieux d’enquête.

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