Fugitif ! Place du Globe


19 juillet 1873.

Le port et la « basse ville » de Toulon sont en ébullition. Un bagnard s’est échappé !

Journalistes venu·es des quatre coins de la France, vous êtes ici pour assister aux derniers jours du Bagne. Voué à la fermeture, il verra ses derniers condamnés déportés à Cayenne, en Guyane.

Partez sur les traces de François FOUACHE, le fugitif, et découvrez son passé !

La place du Globe n’existait pas en 1873. Voici une vue de l’ancien Bagne avec ses galères désarmées.

Une double-porte un peu basse s’ouvre à l’angle droit de la façade nord.

Une chanson triste en sort, accompagnée par quelques coups mollement donnés sur une surface en bois.

L’intérieur n’est éclairé que par quelques bougies dispersées sur de gros tonneaux aussi mal en point que ceux qui y sont accoudés. Les gueules et les corps valent tous les discours : les quelques hommes – car il n’y a que des hommes – rassemblés ici ont enduré plus que ce qu’ils n’auraient dû…

Le gaillard barbu derrière le comptoir interrompt son chant et, claudiquant, s’approche de vous. En guise de jambe droite, un morceau de bois très ouvragé. Il surprend votre regard.

« Souvenir d’atelier. On s’occupe comme on peut. »

Sur un pan de mur, des lettres peintes.

Il passe sa main sur sa jambe puis dans sa barbe et vous regarde de travers.

« Vous l’trouverez pas ici. J’sais pas où il est. Et même si j’l’savais. J’vous aurais rien dit ».

Il referme la porte, vous laissant dans votre monde et lui dans le sien.

Un petit barbu musclé vous croise et vous arrête quelques secondes. De son unique œil valide, il vous toise avant de vous lâcher : « Il a bien fait de profiter de la bagarre qu’il y eu en début d’après-midi à l’entrée du Bagne. À sa place j’aurais fait pareil. Faut pas qu’il se fasse attraper, maintenant, le gars… »

L’homme tape à la porte de la Grande Fatigue et s’y faufile.

Du bruit résonne de l’autre côté de la place.

Une porte grande ouverte laisse échapper des coups de marteau et des étincelles.

Une enseigne en fer forgé imite une grosse clef métallique sur laquelle est gravé « SAGNES ».

Près de la porte, pour profiter au maximum du courant d’air et de la dernière lumière du jour, se tient un homme sans âge au torse nu et osseux. Ses bras noueux et musculeux se contractent au fil des coups de marteau et des pressions sur les pinces.

Une barbe drue commence à repousser et mange la moustache que le serrurier semble chercher à entretenir.

Son visage, mangé de suie et de poussière métallique, est presque aussi sombre que son atelier, dont les murs sont recouverts de morceaux d’acier, cuivre, bronze, d’un nombre incalculable de clefs et calculable de serrures.

L’artisan interrompt à peine son travail pour répondre à vos questions.

Le nom de FOUACHE lui évoque peu de choses – le journal ne lui sert sans doute qu’à allumer son petit feu.

En revanche, la date du 10 mars 1871 lui rappelle un amer souvenir. Son apprenti d’alors, Honoré FABRÈGUE, s’était fait la malle un soir alors qu’il avait la charge de fermer l’atelier. Il avait emporté avec lui un ensemble de pinces et crochets capables d’ouvrir toutes les portes, ainsi qu’un étui métallique assez long aussi banal que pratique. Il avait du talent et de l’avenir mais fréquentait sans doute les mauvaises personnes.

Un petit moustachu l’attendait souvent après la journée. Ils allaient ensuite s’attabler sur le port et refaire le monde en attendant de le conquérir. FABRÈGUE ne cessait de parler de Marseille comme d’un nouvel Éden. Le moustachu parlait surtout belote.

Depuis ce jour, Jacques SARGUES – car tel est son nom – a cessé de recruter des apprentis. À regret, car il sent que son savoir-faire disparaîtra avec lui. Mais il n’a plus confiance en personne. Et il a l’impression d’appartenir à un monde voué lui aussi à disparaître.

Après un dernier coup de lime, il rapproche de ses yeux fatigués sa dernière pièce. Une petite clef très élégante. Il vous promet qu’elle vous ouvrira les portes de toutes les grilles des passages qui relient les places entre elles en passant sous les immeubles. Ainsi, chaque nuit, vous pourrez si vous le souhaitez vous soustraire aux regards ou à d’éventuels poursuivants.

Pour l’heure, Jacques SARGUES ferme atelier et boutique. Il s’assoit lourdement sur son perron et vous regarde vous éloigner. Ses yeux sont dans le vague.

Retrouvez ici le plan indiquant les différents lieux d’enquête.

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