19 juillet 1873.
Le port et la « basse ville » de Toulon sont en ébullition. Un bagnard s’est échappé !
Journalistes venu·es des quatre coins de la France, vous êtes ici pour assister aux derniers jours du Bagne. Voué à la fermeture, il verra ses derniers condamnés déportés à Cayenne, en Guyane.
Partez sur les traces de François FOUACHE, le fugitif, et découvrez son passé !
Noyée dans le tissu urbain, Sainte-Marie-Majeure ne s’offre vraiment au regard que par son imposante façade méridionale, très classique. Le clocher reconstruit qui la borde à l’Est affiche avec arrogance son jeune siècle presque et demie.
Faute de fidèles, ce sont des moutons qui se massent sur le parvis de l’édifice, tandis que de rudes montagnards commencent à remballer leurs marchandises : bûches, planches, caisses, sabots… tout droit descendus des Alpes.
Un bâtiment très étroit aux murs jaune pâle attire votre attention. À la fenêtre du dernier étage, une femme emmitouflée dans un châle vous adresse un signe de main fatigué.
Les escaliers pour l’atteindre sont raides et branlants. Vous évitez la chute plus d’une fois.
Le logis est minuscule : une unique pièce dépouillée qui sert à la fois de chambre, cuisine et salle à manger. Le lit simple est collé au poêle à charbon affamé. Un grand broc ébréché repose au sol près de la porte qui ferme mal. Contre les murs nus repose un vieux coffre en bois qui contient sans doute toutes les richesses du lieu. Un vieux morceau de pain noir repose sur la table à l’unique chaise.
« On a parlé de vous, en ville. On a dit que vous veniez voir la fin du Bagne. »
La femme qui vous a accueillis et qui, à bien y regarder, n’est peut-être pas si vieille que vous auriez pu le croire, reprend son souffle avant de poursuivre.
« Le Bagne va fermer. Les Bagnards vont partir pour la Guyane. Ils vont mourir là-bas. »
Un silence.
« Mon fils va mourir là-bas. J’ai passé ma vie à essayer de le protéger. Il va mourir pour un vol qu’il n’a pas commis. »
Augustine FOUACHE, car c’est bien d’elle dont il s’agit, vous regarde de ses yeux usés.
« Il était avec moi, le soir du cambriolage. Il est rentré tout fiévreux. Épuisé. Ses vêtements poussiéreux. La cloche venait de sonner la demie de huit heures. Il s’est alité. Il s’est endormi. Dans ses poches il y avait un sachet en papier éventré. Il y restait quelques feuilles séchées que j’ai fait infuser. Je lui en ai fait boire un peu. Puis la Police est arrivée. »
Un silence, de nouveau. Augustine avale sa salive.
« Ils n’ont rien voulu entendre. Ils avaient sa casquette à la main. Ils disaient que c’était une « preuve irréfutable ». Ils l’ont emporté. Je n’ai plus pu le voir. Nulle part. Je leur ai montré le sachet d’herbes. Je leur ai parlé de la fièvre. Ils ne m’ont pas écouté. Ils l’ont emporté. Ils l’ont enfermé. Mon tout petit… »
« Je n’y crois pas à toute cette histoire d’évasion. Ce n’est pas son genre. Il serait venu me voir, non, s’il s’était échappé ? »
« Empêchez mon petit de partir pour Cayenne. Il ne s’en remettra pas. Mes prières l’ont tenu en vie jusqu’ici, mais je crois que je n’ai plus la force, maintenant… »
Vos pas sont plus lourds lorsque vous redescendez jusqu’à la place à présent déserte.
Une jeune femme vous hèle depuis l’entrée de l’église. Elle semblait vous attendre. Elle vous invite à la suivre à l’intérieur, loin des regards indiscrets. L’édifice est désert.
« Mes bons messieurs, mes bonnes dames, je me prénomme Adèle. J’aide ici durant l’office et j’entretiens la nef et les chapelles du mieux que je peux. On raconte que vous cherchez François et que vous vous penchez sur son passé.
Je ne le connaissais pas mais le Seigneur m’a fait croiser sa route.
Il y a deux ans environs, Mme DELORT est venue se confesser. Avant d’aller voir le Père Abélard, elle a sorti un enveloppe de son sac est l’a déposée au milieu des cierges, sans doute dans l’espoir de la détruire par le feu.
Craignant que cela ne déclenche un incendie, j’ai soustrait le papier aux flammes et la curiosité a été plus forte. J’ai ouvert l’enveloppe et lu la lettre qu’elle contenait.
Bouleversée, je n’ai pu m’en séparer et, aujourd’hui, je comprends pourquoi. Elle devait vous revenir et vous aider.
Je me permets donc de vous la remettre.
Que Dieu ait pitié de l’âme de ce malheureux. J’ai cru le voir passer sur les coups de quatre heures. Il n’est peut-être pas très loin.
Et que Dieu ait pitié de celle qui l’aime. »
Retrouvez ici le plan indiquant les différents lieux d’enquête.