Fugitif ! – Place Victor Hugo (Opéra)


19 juillet 1873.

Le port et la « basse ville » de Toulon sont en ébullition. Un bagnard s’est échappé !

Journalistes venu·es des quatre coins de la France, vous êtes ici pour assister aux derniers jours du Bagne. Voué à la fermeture, il verra ses derniers condamnés déportés à Cayenne, en Guyane.

Partez sur les traces de François FOUACHE, le fugitif, et découvrez son passé !

L’opéra de Toulon est inauguré en 1862, soit 13 ans avant l’opéra Garnier à Paris !

Assis sur un petit fauteuil en tissu déplié, un homme d’âge mûr vous observe avec attention.
Il est grand et arbore une longue barbe poivre et sel. Sa tenue claire est protégée par une salopette maculée de taches colorées et noires.
Chapeau de paille sur la tête et cigarette éteinte coincée entre les lèvres, il tient à la main un fusain.
Devant lui, un chevalet protégé par une petite ombrelle. Sur la feuille accrochée par trois pinces en métal, un portrait rapidement esquissé : le vôtre.

« Votre portrait pour 1 Franc seulement, et c’est un prix d’ami.
Vous n’avez pas l’air d’ici, vous. Un petit quelque chose dans votre regard… et dans votre teint ! »

Il part d’un petit rire moqueur avant de se reprendre.

« Ne m’en voulez pas. Ce n’est qu’un peu d’humour. Alors comme ça vous remuez le passé ? Ah ! L’affaire FOUACHE ! Bien sûr que je m’en souviens ! C’est n’est pas tous les jours qu’un tableau de Manet disparaît ! En tout cas pas en province !

Mais ne vous fiez pas aux apparences : à l’époque, quelques jours avant le vol, un petit moustachu était venu s’intéresser au Maître. Il voulait savoir si c’était un peintre renommé, si ses tableaux avaient de la valeur… Je me suis empressé de le renseigner : je suis une bonne âme ! Si bonne, d’ailleurs, que je vous cède votre portrait pour 1 France seulement. Vous devriez y penser !

Je lui avais même raconté que je connaissais quelques collectionneurs marseillais qui s’étaient épris des toiles du génie parisien et qui pestaient après les gens de la capitale qui gardaient tous les chefs- d’œuvre pour eux… »

L’homme fait une pause pour se rouler une nouvelle cigarette, réutilisant les restes de la précédente.

« Vous n’auriez pas un peu de tabac, par hasard ? Ce petit produit de première nécessité devient hors de prix…

Si je me souviens du jour du vol ? Naturellement ! Regardez ! J’ai encore avec moi le livret de l’opéra qui se jouait ce soir-là. Mireille, du grand Charles GOUNOD lui-même. Pensez donc ! Même une petite ville de province peut s’enorgueillir d’avoir un si bel Opéra alors qu’à Paris… Eh eh eh… Mais je m’égare.

C’était le 10 mars 1871. Et à cette époque-là, Paris avait bien d’autres soucis que de savoir s’il lui fallait un nouvel opéra. Mais par ici nous étions plus au calme. Loin des troubles. Enfin, à chacun les siens…

Je m’égare encore. Ce soir-là, donc, c’était la première de Mireille à Toulon. Tout le gratin était rassemblé, endimanché comme pour aller à la messe – alors que c’était un vendredi, eh eh eh… – donc j’avais sorti mon chevalet : l’art consiste aussi à ne pas manquer les grands soirs. J’ai vendu une bonne dizaine de portraits, ce soir-là ! Et je vous demande de ne m’en acheter qu’un seul. C’est vous dire si je vous trouve sympathique !

Un autre artiste officiait au coin de la rue en face. Il maniait les cartes avec une virtuosité de violoniste. Un joueur de bonneteau hors pair. Il a sans doute mieux rempli sa bourse que moi, ce soir-là ! Un grand moustachu qui savait alpaguer les passants et leur faire croire qu’ils allaient s’enrichir. Alors qu’ils l’étaient déjà, riches. Mais vous savez comment sont les bourgeois… Jamais contents. Mais je ne dis pas ça pour vous, bien sûr… »

Un serveur s’écarte de la terrasse du Café de l’Opéra pour s’approcher de vous.

« Excusez l’artiste, m’sieurs dames. Il parle plus qu’il ne peint mais il n’est pas méchant.

Je vous ai entendu parler, bien malgré moi. Le p’tit FOUACHE. Encore un brave gars tombé bien bas. Il venait par ici de temps en temps, quand il avait eu de la veine au jeu. Mais ça ne lui arrivait pas souvent ces derniers temps.

On raconte qu’il s’est fait la malle ! Ah ça, avec la fermeture programmée du Bagne, la garde-chiourme a sans doute d’autres chats à fouetter que boucher tous les trous de sortie !

Si j’lai vu passer aujourd’hui ? Non de non, et je l’ai déjà dit à la police tout à l’heure. Y sont à ses trousses et y z’ont pas l’air commode. C’est que ça fait d’la mauvaise réclame à l’institution !

Un petit café, peut-être, avant de reprendre la route ? Le meilleur de tout Toulon ! »

Retrouvez ici le plan indiquant les différents lieux d’enquête.

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